SCLEROTHERAPIE EN COMPLEMENT DE LA CHIRURGIE
L’insuffisance veineuse superficielle (IVS) des membres inférieurs est classiquement considérée comme une pathologie évolutive.
La chirurgie n’est qu’une étape du traitement même si elle est extensive.
Le suivi phlébologique est donc logique et en France il inclut la sclérothérapie post opératoire.
Définition du suivi phlébologique :
Dans les suites d’une intervention chirurgicale, le suivi phlébologique correspond à l’ensemble des moyens cliniques, para-cliniques et thérapeutiques, en particulier la sclérothérapie, destinés à diagnostiquer puis traiter les varices résiduelles et prévenir l’apparition de récidives au niveau du réseau veineux superficiel des membres inférieurs.
La sclérothérapie est le traitement de base après la chirurgie des varices
Le traitement de la maladie variqueuse n’est pas réglé par le seul geste chirurgical, même si la chirurgie a été correctement réalisée d’emblée (1),
c’est-à-dire que le traitement des points de fuite importants entre le réseau veineux profond (RVP) et le réseau veineux superficiel (RVS) a été complet.
La surveillance est importante si l’on veut améliorer le résultat à long terme.
Il apparaît fondamental que le chirurgien informe les patients, avant leur sortie de clinique, de l’importance du suivi phlébologique et les invite à s’adresser à une équipe médicale compétente.
En règle générale, la sclérothérapie postopératoire débute six à huit semaines après l’intervention.
Le nombre des séances et l’intervalle qui les sépare (environ 15 jours), sont appréciés en fonction des varices résiduelles qui restent à traiter. Ce complément thérapeutique achevé l’angiologue contrôle les patients opérés une fois par an durant les cinq années qui suivent l’intervention chirurgicale.
Dans la majorité des cas, un traitement annuel par sclérothérapie est indispensable pendant plusieurs années, souvent bien après les cinq premières années
Par contre, chez les patients dont l’évolution variqueuse semble faible ou nulle, le suivi phlébologique est espacé ou suspendu.
Indications de la sclérothérapie post-opératoire :
Tous les patients opérés d’une insuffisance veineuse superficielle doivent bénéficier d’un suivi phlébologique, et dans la plupart des cas d’une sclérothérapie complémentaire.
Objectifs de la sclérothérapie post-opératoire :
Il convient de distinguer les objectifs à court terme ayant pour but essentiellement de supprimer les varices résiduelles après le geste chirurgical initial, des objectifs à moyen et long terme incluant la prévention des récidives en particulier au niveau des points de fuite saphéniens entre le RVP et le RVS. :
La plupart des auteurs (2,3) admettent l’intérêt de la sclérothérapie dans le traitement des varices résiduelles à bas débit sans connexion significative avec le RVP.
La sclérothérapie post-opératoire permet aisément de traiter les branches variqueuses résiduelles.
Fréquemment, après chirurgie de la grande veine saphène (GVS), des varices jambières résiduelles sont en fait dépendantes d’un réseau variqueux fémoral non perceptible cliniquement.
Il s’agit :
-soit de varices alimentées par une perforante du canal fémoral (dite de Dodd ou de Hunter) qui ne connecte pas de façon directe la veine fémorale superficielle et le tronc de la grande veine saphène (GVS). Ces perforantes ne sont donc pas déconnectées du RVS par l’exérèse du tronc de la GVS.
-soit encore de varices alimentées par le réseau hypogastrique.
Le traitement par sclérothérapie échoguidée des varices résiduelles à l’étage fémoral s’impose alors avant la sclérothérapie des varices jambières.
Les perforantes jambières incontinentes excentrées sont repérées puis traitées généralement par sclérothérapie échoguidée.
A distance de l’intervention le but essentiel de la sclérothérapie est la prévention des récidives variqueuses à débit important, en particulier les phénomènes de néovascularisation (4,5) qui surviennent au niveau des anciennes jonctions saphéno fémorale ou saphénopoplitée. Dans certains cas cette néovascularisation nécessite une reprise chirurgicale.
Le caractère chronique et évolutif de la maladie variqueuse est bien connu.
L’absence de sclérothérapie post-opératoire aboutit de façon presque inévitable à la survenue de récidives, dans un délai variable, fonction du génie évolutif de la maladie.
Discussion
Dans le traitement de l’IVS, il existe actuellement un consensus sur le fait que chirurgie et sclérothérapie ont leurs indications propres et que l’une et l’autre peuvent être utilisées en association (2).
Néanmoins peu de travaux ont été publiés à ce jour sur l’intérêt de la sclérothérapie postopératoire.
La sclérothérapie postopératoire est-elle efficace dans la prévention des phénomènes de néovascularisation au niveau des anciennes jonctions saphéniennes ?
Un certain nombre de travaux permettent de penser que le suivi phlébologique incluant la sclérothérapie est utile à la prévention de la néovascularisation
Glass a clairement démontré dans une étude prospective (4) que les récidives situées au niveau des anciennes jonctions saphéno-fémorales après une intervention correctement réalisée de la veine GS sont liées à une néovascularisation.
Dans une étude publiée en 1996 par Jones et al. (5) , portant sur cent treize membres présentant une insuffisance de la GVS, les patients ont été traités, soit par crossectomie (groupe 1), soit par crossectomie –stripping(groupe 2).
Aucun patient n’a bénéficié d’une sclérothérapie complémentaire.
Lors du dernier contrôle, à 2 ans, les patients ont été examinés cliniquement puis par échodoppler. L’échodoppler objective une néovascularisation au niveau de l’ancienne jonction saphéno-fémorale dans 58,3 % des cas dans le groupe 1 versus 45,3 % dans le groupe 2.
Ce travail permet, bien qu’indirectement, de recommander la sclérothérapie post-opératoire.
En effet la persistance d’un réseau veineux superficiel incontinent, systématique même si l’intervention est extensive, joue le rôle d’une pompe aspirante aboutissant à relativement court terme à une récidive de type néovascularisation (4,6).
Ce phénomène de recrutement est comparable, mais à un moindre niveau, à ce qui est observé dans les angio-dysplasies artério-veineuses (7).
La persistance d’un reflux important entre le RVP et le RVS, lié soit à une malfaçon technique ( par exemple : Une crossectomie incomplète ), soit à une erreur tactique ( par exemple : Un réseau saphénien incompétent non traité ), soit encore à une thérapeutique non validée (par exemple : crossotomie au cours d’une C.H.I.V.A), nécessite parfois une chirurgie itérative pour traiter ce point de fuite.
Cependant la sclérothérapie échoguidée avec ou sans utilisation de produit mousse, semble légitime comme traitement de première intention.
Un certain nombre de récidives, en particulier les néovascularisations, mais également certaines crossectomies incomplètes à débit modéré sont accessibles à la sclérothérapie écho-guidée (8,9).
A priori la sclérothérapie post-opératoire, même correctement réalisée, ne permet pas d’éviter l’apparition de varices dans des territoires saphéniens initialement épargnés et donc non traités lors de l’intervention première.
Dans ce type de récidive lié à l’évolution de la maladie variqueuse l’option thérapeutique retenue, chirurgie + sclérothérapie ou sclérothérapie isolée, dépend essentiellement du territoire atteint et des habitudes de l’équipe médico-chirurgicale.
Après une réintervention, quel que soit le mécanisme physiopathologique responsable de la récidive, la sclérothérapie postopératoire est probablement encore plus indispensable qu’après une chirurgie première.
Une étude publiée en 1993 (3), a permis de valider un choix thérapeutique associant le traitement chirurgical des points de fuite importants entre le RVP et le RVS et le suivi phlébologique à long terme par sclérothérapie de ces patients.
L’efficacité du suivi phlébologique dépend essentiellement de la compétence vasculaire et particulièrement veineuse de l’équipe médicale et de son training à la sclérothérapie et à la sclérothérapie échoguidée.
Le suivi phlébologique ne doit pas se limiter au simple traitement des fines varices réticulaires et / ou varicosités laissées en place par la chirurgie.
Un suivi phlébologique incorrect n’apporte pas d’amélioration significative par rapport à la chirurgie isolée.
Le contrôle phlébologique doit comporter lors du premier examen après l’intervention, outre un examen clinique détaillé, un bilan échodoppler permettant d’établir une cartographie précise des varices résiduelles.
L’angiologue s’attache particulièrement à traiter, souvent par sclérothérapie echoguidée, les varices situées à proximité des anciens points de fuite entre le RVP et le RVS, et donc non cliniquement perceptibles.
Lorsque le suivi phlébologique est correctement réalisé, il est probable que le rapport coût / efficacité sera en faveur de l’association chirurgie-sclérothérapie complémentaire par rapport à la chirurgie isolée.
BIBLIOGRAPHIE :
1 ) PERRIN M., GOBIN J.P., CALVIGNAC J.L., GROSSETETE C., LEPRETRE M.
Comprendre les mauvais résultats après chirurgie de l’insuffisance veineuse superficielle. J Mal Vasc 1994 ; 19 : 265-271.
2) BACCAGLINI U. Document de consensus sur la sclérothérapie des varices des membres inférieurs. Phlébologie 1996 ; 49 : 311-333.
3) PERRIN M., GOBIN J.P., GROSSETETE C., HENRY F., LEPRETRE M. Valeur de l’association chirurgie itérative - sclérothérapie après échec du traitement chirurgical des varices. J Mal Vasc 1993 ; 18 : 314-9.
4) GLASS G.M. Neovascularization in Recurrent Sapheno-femoral Incompetence of Varicose Veins : Surgical Anatomy and Morphology. Phlebology 1995 ; 10 : 136-142.
5) JONES L., BRAITHWAITE B.D., SELWYN D., COOKE S., EARNSHAW J.J. Neovascularisation is the principal cause of varicose vein recurrence : results of a randomised trial of stripping the long saphenous vein. Eur. J. Vasc. Endovasc. Surg. 1996 ; 12 : 442-5.
6) PERRIN M.. Comment classer les récidives variqueuses après traitement chirurgical. Phlébologie 1996, 49, N°4 : 453-460.
7) FRANCO G., NGUYEN KAC G. Apport de l’écho-Doppler couleur dans les récidives variqueuses postopératoires au niveau de la région inguinale. Phlébologie 1995 ; 48, N°2 : 241-250.
8) GOBIN J.P., GROSSETETE C. Sclérothérapie de l’insuffisance veineuse superficielle. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-3630, 1997, 6 p.
9) PERRIN M., LEPRETRE M., GOBIN J.P., NICOLINI P.. Les mauvais résultats
Après traitement. Phlébologie N° Suppl. Nov . 1997 : 605-612.